Читать «Le Voleur d"Or (Золотой вор)» онлайн - страница 224

Марсель Аллен

Et, réellement victime d’un point d’honneur que son intelligence condamnait, Juve accepta.

— Je te suivrai où tu voudras, chef. Allons causer où bon te semblera !

— Viens, Job Askings ! dit le vieillard.

Les deux hommes longèrent l’égout, le vieillard guidait Juve et menait le policier à une sorte de renforcement qui avait toutes les apparences d’un cachot.

— Allons ! je suis joué ! pensa Juve.

Et le policier songeait que son browning comportait tout juste six balles, que lorsqu’il aurait tiré ces six coups il serait désarmé, à la merci de ceux qui allaient se jeter sur lui…

Or le chef, entré dans la pièce derrière le faux Job Askings, ne faisait nul mouvement inquiétant. Alors que Juve s’attendait à le voir brusquement appeler, alors qu’il se préparait à voir surgir une bande de Grouilleurs prêts à faire bon marché de sa vie, Juve voyait au contraire le vieillard frémir, joindre les mains dans un geste de supplication.

— Je suis pauvre, déclarait le chef des Grouilleurs ! Je suis très pauvre, Job Askings, et ce que je vais te demander, c’est la richesse…

— Parle ! répéta Juve.

Mais cette fois encore le policier s’inquiétait.

Il se rappelait parfaitement qu’il avait annoncé aux Grouilleurs qu’il avait du « pèze », qu’il y avait cinquante mille francs dans l’enveloppe qu’il leur avait confiée. Sans doute, on allait lui demander quelque argent !…

Et Juve, qui possédait tout juste quelques billets de cent francs sur lui, songea encore une fois qu’il allait être pris de court.

Le chef des Grouilleurs pourtant, ne semblait nullement songer à demander l’aumône.

Il continuait d’une voix basse et d’une voix fière aussi :

— C’est bien la richesse que je vais te demander ! Job Askings ! je ne vais pas te la demander pour moi, je vais te la demander pour mon fils. Tu m’écoutes ?

— Je t’écoute ! dit Juve.

Le chef des Grouilleurs reprit :

— Je sais, Job Askings, que tu es en Angleterre le plus grand des pickpockets. On t’appelle le Roi des voleurs, comme on appelle Fantômas le Roi du crime. Il n’est rien de difficile pour toi, il n’est rien qui soit trop délicat pour ton audace. Tu peux tout ! Tu réussis tout ce qu’il te plaît d’entreprendre… Eh bien, Job Askings, voilà ce que je veux te supplier de m’accorder : mon fils est courageux, adroit, pourtant, il ne saurait prétendre à t’égaler, même de loin. Veux-tu être son maître ? Veux-tu lui donner des leçons ? Veux-tu lui apprendre ta manière ?… Veux-tu être son chef ?

Et certes, à cet instant, Juve pensait à la fois éclater de rire et crier de stupéfaction.

Ah ! vraiment, la requête qu’on lui adressait à lui, Juve, qui était le roi des policiers, était plus qu’extraordinaire !

On lui demandait de dresser un voleur !… On le suppliait d’apprendre à un novice quelques-unes des façons ingénieuses dont il convient d’opérer pour dépouiller les passants !…

— Sang et tonnerre ! grommela Juve, comme ce pauvre vieux bonhomme place drôlement sa confiance !…

Cela le faisait sourire, mais cela l’inquiétait aussi pourtant.