Читать «Le Voleur d"Or (Золотой вор)» онлайн - страница 222

Марсель Аллен

— Au fait, comment s’est terminée la bagarre de l’autre jour ?

Juve interrogeait le chef, curieux de connaître la sincérité dont il pouvait faire preuve. Juve savait fort bien, en effet, comment l’échauffourée avait pris fin. Il s’était renseigné à ce sujet dès le lendemain à la préfecture, où nul n’avait pu croire ni même soupçonner qu’il avait joué un rôle dans l’affaire ; il parlait donc simplement par véritable curiosité.

Le vieux chef, pourtant, en écoutant la question de Juve, avait douloureusement tressailli :

— Ce fut une terrible aventure ! déclarait-il. Trois des nôtres ont été poissés ; seuls mon fils et l’un de mes compagnons ont pu regagner l’Enfer !…

Le vieillard, ayant dit, se taisait quelques instants, comme écrasé sous le poids de ses réflexions.

— Ah ! la rousse ! la rousse ! déclarait-il soudain avec une expression de sombre énergie, comme je la hais !… Comme je voudrais m’en venger !

Il grinçait des dents désormais, il serrait les poings, subitement porté au paroxysme de la colère.

— Tu la hais ? demanda encore Juve. Pourquoi ? Elle ne te fait point de mal, puisqu’en somme elle vous laisse la paix à toi et à tes compagnons…

Or, à cette simple réponse de Juve, le vieillard haussait les épaules.

— La rousse ne me poursuit pas, oui, c’est vrai, disait-il, mais c’est parce qu’elle ne connaît pas l’existence de l’Enfer.

À ce moment, Juve voulut au hasard tenter une enquête.

— C’est toi qui le dis, fit-il ironiquement. Mais crois-tu qu’aucun inspecteur de la Sûreté ne soit en mesure de dénoncer l’existence de ta bande ?

— Non, répondait le vieillard ; la rousse n’hésiterait pas sans cela, et d’ailleurs j’ai des renseignements qui me prouvent que personne ne soupçonne cet égout.

À ce moment, Juve tressaillit.

À quels renseignements faisait allusion le Grouilleur ? Qui pouvait l’avoir documenté ?

Juve n’eut pas besoin de questionner encore.

Le maître de l’Enfer ajoutait en effet :

— C’est Trois-et-Deux qui me l’a dit !

Et Juve, qui ne connaissait pas Trois-et-Deux, nota ce nom, tout en se promettant d’en tirer parti.

Un quart d’heure après cependant, Juve, qui s’était assis sur la paillasse, s’entretenait encore amicalement avec le chef des Grouilleurs. Celui-ci, qui était toujours persuadé qu’il avait affaire à Job Askings, c’est-à-dire au Roi des voleurs, traitait son hôte avec un visible respect, avec une correction parfaite.

Juve, de son côté, ne se sentait point le courage de brusquer le vieil homme. Juve était trop honnête, trop philosophe aussi, en effet, pour n’avoir pas été frappé par l’extraordinaire probité dont le Grouilleur avait en somme fait preuve en sa faveur.

Ne venait-il pas de lui rendre une enveloppe où soi-disant il y avait cinquante mille francs d’enfermés ?

Cela faisait penser à Juve que tout bon sentiment n’était pas mort dans l’âme du bandit qu’il entretenait.

Ce chef, qui était capable d’un tel acte de probité, ce chef-là était « quelqu’un » et intriguait de plus en plus Juve, de plus en plus lui devenait sympathique.