Читать «Le Voleur d"Or (Золотой вор)» онлайн - страница 207

Марсель Аллен

Elles avaient été intimes comme deux sœurs et, lorsque leurs jupes étaient encore courtes, elles formaient le projet de ne jamais se séparer dans l’existence et de toujours vivre l’une à côté de l’autre.

Puis les hasards de l’adolescence les avaient séparées, Eugénie Drapier était venue à Paris, tandis que Marguerite, son amie, s’en allait à Marseille où son père avait de gros intérêts financiers.

Les amies, toutefois, restaient en correspondance. Or, au bout de quelques années de séparation, elles apprenaient réciproquement de grandes nouvelles.

Eugénie se mariait, Marguerite entrait en religion, devenait carmélite sous le nom de sœur Sainte-Eudoxie.

Et dès lors, l’une d’elles ayant renoncé au monde, c’était la séparation cruelle, inexorable…

La dissolution des congrégations avait jeté le trouble dans les couvents les plus fermés, on avait connu, par le fait des procès, le nom, l’existence et la résidence de certaines religieuses. C’est ainsi qu’au bout d’une quinzaine d’années, Eugénie Drapier avait retrouvé son amie Marguerite, devenue sœur Sainte-Eudoxie.

La carmélite avait quitté son habit de religieuse et, avec quelques-unes de ses compagnes, elle avait fondé clandestinement, dans l’impasse de Vaugirard, une petite annexe de son ordre.

Les religieuses défroquées vivaient là depuis, perpétuellement inquiètes à l’idée qu’elles pourraient être surprises, respectant en secret les règles de leur ordre, mais obligées néanmoins de se mêler au monde extérieur.

Cependant, sœur Sainte-Eudoxie avait, par ses tendres paroles, fait taire les sanglots d’Eugénie Drapier.

— Je sais, articula-t-elle lentement, combien la vie a de douleur et c’est auprès de Dieu que je cherche les suprêmes consolations. Mais, pauvre petite Eugénie, que t’est-il arrivé ? Pourquoi ce visage bouleversé ? Pourquoi cette visite à une heure si matinale ?

Les deux femmes s’installaient alors sur les chaises de paille qui meublaient l’austère parloir, n’ayant pour auditeur qu’un grand Christ d’ébène suspendu au mur blanchi à la chaux. Eugénie Drapier racontait à son amie, la sœur Sainte-Eudoxie, les malheurs de son existence.

Elle ne lui cachait rien de ses appréhensions premières. Elle ne dissimulait point qu’elle avait pris son mari pour un assassin, qu’elle avait été prête à lui pardonner ses crimes et que, lorsqu’elle avait appris sa trahison et sa duplicité, elle avait résolu de rompre avec lui, de ne jamais le revoir, jamais, au grand jamais…

— Je veux entrer dans les ordres ! articulait Eugénie Drapier, je veux être carmélite comme toi !

— Hélas ! articulait la religieuse, tu sais bien que nos couvents n’existent plus !

— Ils n’existent plus en France, articulait Eugénie, mais il y en a à l’étranger ! Aide-moi à partir, à fuir d’ici, je te jure que j’ai la vocation…

La religieuse esquissait un geste vague. Elle en avait vu beaucoup, de ces néophytes enthousiastes, et peut-être avait-elle assisté à bien des scènes de désespoir, à bien des regrets !