Читать «Le Voleur d"Or (Золотой вор)» онлайн - страница 209

Марсель Аллен

« Ils ne peuvent qu’avoir un espoir dans la vie, c’est qu’on ignore leurs antécédents. Fils d’assassins, enfants de criminels, malheureux êtres engendrés par des filles perdues, voilà quels sont nos protégés…

En écoutant parler la sœur Sainte-Eudoxie, les yeux d’Eugénie Drapier étaient devenus humides.

— Pauvres petits ! murmura-t-elle.

La religieuse prenait le bras de son amie, le serrait affectueusement.

— Je sais que tu souffres et je te plains ! Au surplus, qui donc ici-bas ne porte point sa croix !… Rends-toi compte, Eugénie, que tu n’es pas la seule, et qu’il existe de pauvres petits êtres qui, dès le premier âge de l’enfance, sont condamnés à perpétuellement souffrir, à perpétuellement lutter.

« Eugénie, crois-moi, c’est en s’intéressant au malheur des autres que l’on oublie ses propres chagrins. Tu n’es point faite pour t’en aller dans nos couvents lointains, pour accepter la règle rigoureuse de nos ordres religieux. Par contre, je te connais, je sais que ton cœur est gonflé de tendresse maternelle et qu’il souffre de ne point avoir un enfant. Eugénie, tu es riche, libre d’agir à ta convenance, laisse-moi te donner un conseil. Cherche autour de toi à soulager une infortune, fais comme nous faisons, nous, les filles stériles qui nous sommes vouées à Dieu.

« Occupe-toi de l’enfance et sauve, en le protégeant, un pauvre être innocent. Je t’assure que là est le devoir de la femme qui se replie sur elle-même… Fais comme nous, Eugénie, songe à ce que je te dis…

Cependant que la religieuse parlait de la sorte et que le murmure de sa voix retentissait à l’oreille d’Eugénie Drapier comme une musique douce et persuasive, la femme du directeur de la Monnaie ne pouvait détacher son regard des enfants qui jouaient dans le jardin.

L’un d’eux, tout particulièrement, attirait et retenait son attention.

Elle l’observait, tout émue, sentant son cœur battre.

C’était un joli bébé, au visage rose et joufflu, aux yeux bleus pleins de candeur.

De grandes boucles blondes frisaient autour de sa nuque et de ses tempes.

— Oh ! le bel enfant ! articula naïvement Eugénie Drapier, il me semble que si je pouvais l’aimer, je me sentirais plus heureuse !

Sœur Sainte-Eudoxie, à ces mots, tressaillit violemment.

— C’est un orphelin ! articula-t-elle.

Eugénie la considéra, puis joignant les mains :

— Je t’en supplie, ne réponds pas non. Eudoxie, tes paroles m’ont touchée jusqu’au fond du cœur, et je sens que mon âme s’éveille à cet irrésistible sentiment de la maternité qui nous tourmente toutes, nous autres femmes. Je veux aimer un enfant, je veux aimer celui-là ! Dis-moi que je peux le prendre, m’occuper de son sort, que je peux espérer qu’un jour il me regardera de ses bons yeux tendres, qu’il saura me rendre l’affection, le dévouement que je suis prête à lui donner.

Une seconde, sœur Sainte-Eudoxie hésitait.

— Pourquoi cet enfant, interrogeait-elle, plutôt qu’un autre ?

— Parce que, articula Eugénie Drapier, quelque chose de mystérieux et d’incompréhensible, invinciblement, m’attire vers lui…