Читать «Le Voleur d"Or (Золотой вор)» онлайн - страница 206

Марсель Аллен

— Venez par ici, mon enfant, faisait la vieille femme, cependant qu’avec Eugénie Drapier elle s’approchait de la maison et lui désignait du geste la toiture.

— Voyez, lui dit-elle, à l’endroit où il y a cette grande tache de plâtre, nous avons dû démolir notre petit clocher, et surtout enlever la croix. De la sorte, souffla-t-elle à l’oreille de la jeune femme, la justice ignore que c’est l’ancien couvent de nos sœurs que nous avons racheté, elle ignore surtout que la supérieure de l’ordre des carmélites est revenue ici avec quelques-unes de ses filles les plus dévouées dont je fais partie…

— Je savais tout cela, ma mère, articula Eugénie Drapier, et c’est pour cela que je suis venue vous voir.

— Vous avez bien fait, mon enfant, mais il faut être prudente et ne jamais demander, lorsque vous frapperez à la porte, à voir la sœur Sainte-Eudoxie, car, si de méchantes gens étaient aux écoutes, on pourrait nous dénoncer, nous expulser encore !

Eugénie Drapier hochait la tête, et elle suivait la vieille religieuse défroquée. Elle pénétrait dans un parloir glacial de la grande maison au fond du jardin.

Eugénie Drapier demeurait quelques instants seule.

Certes, si elle avait eu le loisir d’observer à ce moment, elle se serait peut-être rendu compte que les précautions recommandées par la vieille religieuse étaient bien superflues.

Celle-ci, toute révérence parlée, raisonnait avec une certaine naïveté. Elle s’imaginait qu’il suffisait pour elles d’avoir changé de costume pour ne plus ressembler à des religieuses et que le couvent qu’elles avaient acheté, du moment qu’il était dépourvu de son clocher et de sa plus petite croix, n’avait plus l’air d’un couvent.

Assurément, la police était parfaitement renseignée sur ce qui pouvait se passer dans cette demeure clandestine, mais la police, en dépit des décrets, savait également se faire indulgente, se rendant bien compte que les quatre ou cinq pauvres femmes qui se trouvaient dans cette maison étaient bien incapables de nuire le moindrement à l’ordre public et à la sécurité de la liberté de conscience.

Quelques instants après, Eugénie Drapier voyait entrer, dans le grand parloir glacial où elle attendait, une femme encore jeune, au visage souriant, aux yeux pétillants d’esprit.

Elle était vêtue d’une grande robe noire, dont la coupe à peine dessinait la taille, et qui, sans être à la mode, n’avait rien de particulièrement suranné.

Les cheveux de cette femme, qui grisonnaient légèrement aux tempes, étaient tirés, serrés de très près, mais la coiffure cependant restait féminine ; sinon faite avec recherche, du moins elle n’était pas dépourvue d’élégance.

Eugénie Drapier courut à la nouvelle venue.

— Sœur Sainte-Eudoxie ! s’écria-t-elle, ah ! ma pauvre, ma pauvre sœur !

Puis elle tomba dans ses bras, et pleura éperdument.

Deux amies d’enfance, deux amies de Poitiers que ces deux femmes aux cheveux grisonnants qui, désormais, s’étreignaient avec une affectueuse tendresse, dont l’une cherchait à consoler la douleur de l’autre.