Читать «Le Voleur d"Or (Золотой вор)» онлайн - страница 219

Марсель Аллен

— Monsieur ne s’est pas couché ? s’était exclamé Jean.

— Non, avait riposté Juve, mais monsieur se couche !

Le policier passait en effet dans sa chambre, allant s’étendre sur son lit et ordonnant à son domestique de le réveiller sans faute à midi.

Or Juve avait dormi de si longues heures, il avait si bel et bien ronflé que le fidèle domestique ne s’était pas senti le courage de réveiller son maître.

Jean, aussi bien, était furieux depuis quelques jours. L’existence du policier qu’il servait depuis vingt ans avec un dévouement scrupuleux lui apparaissait, en effet, véritablement désorganisée. Juve, qui avait toujours mené une vie extraordinaire, disparaissant des quinze jours entiers puis revenant à l’improviste pour repartir aussitôt, Juve, qui ne déjeunait jamais à heure fixe et dînait chez lui peut-être une fois par mois, avait scandalisé son valet de chambre de la façon la plus simple.

Il avait un jour exprimé le désir de manger du gigot, Jean avait fait cuire ce gigot, et Juve n’avait pas reparu à son domicile trois jours durant !

Jean ne pardonnait pas cela à son maître. Jean, qui avait mangé le gigot et l’avait trouvé excellent, avait adressé des reproches à Juve. Juve les avait écoutés en souriant, mais avait mis au comble l’exaspération du domestique en lui rétorquant, ce qui était une pure calomnie, qu’il n’était pas venu manger le gigot parce que ce gigot devait être coriace !

— Tout cela, ça n’est pas clair, pensait Jean. Sûrement que monsieur est encore enfoncé dans une affaire qui lui causera des désagréments !

Comme Jean avait pour Juve une affection sincère, un dévouement de caniche, Jean s’était juré de faire rentrer monsieur dans l’ordre, c’est-à-dire de lui imposer des heures fixes pour dormir, des heures fixes pour déjeuner et pour dîner.

Jean n’était naturellement pas arrivé à convaincre Juve de la nécessité qu’il y avait de mener une vie rangée. Toutefois, Jean prenait désormais sur lui de forcer le policier à dormir. C’est pourquoi, trouvant que son maître avait besoin de repos, le valet de chambre s’était bien gardé d’éveiller Juve à midi. Il l’avait laissé continuer son somme jusqu’à six heures du soir, heure à laquelle Juve s’éveillait tout naturellement.

Le premier mouvement du policier avait d’abord été un mouvement de colère. Il avait sonné Jean, il l’avait mis à la porte. Par bonheur, Jean n’attachait à la chose aucune importance. Ainsi qu’il le disait à Juve sans s’émouvoir, il avait déjà reçu plus de six cents fois son congé ! Il savait, dans ces conditions, ce que parler voulait dire et ne tenait aucun compte de la colère du chef.

— Animal ! bougonna le policier. Tu m’as fait rater ma journée !…

À ce moment, Jean cligna des yeux, prit un visage souriant :

— Monsieur ne m’en voudra certainement pas ! déclara-t-il. Et d’abord monsieur aura une surprise !