Читать «Чёрная речка. До и после (К истории дуэли Пушкина)» онлайн - страница 37

Серена Витале

A propos d'effets d'argenterie que vous faites faire en Angleterre, il y a Kourakine au régiment qui se trouve en possession d'une magnifique soupière qui lui vient en héritage de son grand-père. Il a envie de la vendre et d'en faire faire des fourchettes, de sorte qu'il la vendra au poids. Je crois qu'elle vous conviendra parfaitement, j'en ai parlé à Klein, il m'a offert de m'avancer l'argent pour l'acheter en votre nom, car l'individu est pressé. Mais je vous avoue que je n'ai pas osé accepter car c'est une affaire de 1200 à 1500 roubles et je trouve la somme bien forte, et décidément, j'aime mieux attendre votre consentement; et si telle est votre intention, je m'en chargerai. Et quant à l'argent que vous m'offrez pour acheter un autre cheval je n'en profiterai pas maintenant, car quoiqu'il soit tout à fait éreinté, il a encore suffisamment de force pour me faire le service tout l'hiver jusqu'aux manœuvres prochaines. Vraiment mon très cher ami, je suis tout honteux car depuis que vous m'écrivez j'ai presque toujours en recours à votre bonté pour des extra de dépenses que je serais cependant si aise d'éviter; malgré toute la générosité que vous mettez à offrir tout de suite votre bourse, je sais que vous le faites en vous gênant, et c'est une idée qui me fait de la peine pour vous, car certainement vous faites déjà bien assez pour moi sans cela.

J'ai enfin fait la connaissance de Madame la comtesse de Lerchenfeld, qui est telle que je vous l'ai dépeinte dans mes dernières lettres, il n'y a pas un mot à y changer; mais lui est délicieux, vous ne pouvez vous figurer cet homme dans son intérieur, et pour le moins aussi ennuyeux que par le passé et beaucoup plus avare. Car voilà un de ses derniers traits: ayant l'intention de faire voir Peterhoff à sa femme, il engage Coutousoff et le remplaçant de feu votre ami Dekenfeld à l'accompagner, et propose en même temps une espèce de pique-nique, disant que si on les voyait arriver ainsi, on leur faira payer un argent fou pour un fort mauvais dîner. Il charge Coutousoff du Lafitte (2 bouteilles) et de deux bouteilles de champagne, ce qui était une affaire de 50 roubles; quant à lui il devait se charger du reste. Eh bien, il a été assez crasseux pour n'apporter le lendemain qu'un vieux morceau de bœuf que l'on avait servi la veille à table, du pain, et de la moutarde. Ces deux autres messieurs ont été tellement honteux pour lui qu'à leur propres frais ils ont commandé un dîner à l'auberge que monsieur le comte Lerchenfeld, ministre du Roi de Bavière, a mangé sans leur demander d'où ils l'avaient pris; enfin c'est dégoûtant à dire. Pour ce qui en est de ses fonctions de mari, je suis persuadé qu'il les remplit fort mal, et c'est lui-même qui a eu l'esprit de me mettre dans cette confidence; dernièrement en me parlant des plaisirs de sa bonne ville de Munich et les comparant à ceux de Pétersbourg il m'a dit: "Voyez mon cher, les plaisirs chez moi sont rares, mais par contre ils sont bons. Ce n'est pas comme ici où ils se succèdent tellement qu'il est impossible d'en jouir car il en est de ceci comme d'un homme marié, quelque jeune et quelque jolie que soit sa femme, il est impossible de se décharger toujours", et cette idée lui a tellement souri qu'il l'a répétée au moins dix fois de suite; j'espère que la confidence est naïve.