Читать «Чёрная речка. До и после (К истории дуэли Пушкина)» онлайн - страница 38

Серена Витале

Voilà pour ma famille diplomatique. Il faut aussi que je vous parle d'une seconde, c'est celle des Luttzerode, qui certainement a remplacé les Soutzo en tout, et pour tout; grande famille; mari tellement bavard qu'il en est ennuyeux; quant à la manie des visites, je crois qu'ils seront encore plus puissants que les Soutzo; mais aussi ils ont eu dernièrement une mésaventure qui a fait les délices de toute la société. Je ne sais pourquoi ils se sont mis en tête que l'individu qui remplace le comte de Nesselrode était marié (je ne sais pas son nom). Voilà que toute la famille monte en voiture et la nuit [se] flanque en route pour la première verste sur le chemin de Peterhoff. Arrivés là, ils demandent si le Monsieur est à la maison, l'on dit que oui; le domestique s'étant mal expliqué, le Monsieur les reçoit et croyant le mari seul, il fait entrer et reste en robe de chambre. Figurez-vous l'étonnement de cette pauvre femme arrivant dans la chambre, croyant trouver une dame, [qui] ne trouve que cet homme en robe de chambre, ne sachant comment prendre la chose, et [qui] lui demande si sa femme était souffrante; surcroît de mystification, car l'individu lui répond que sa femme était morte et enterrée depuis 20 ans. Vous [vous] figurez si elle s'est sauvée et si elle a voulu cacher sa mésaventure; peine inutile, car le soir même il n'était question que de ceci dans tous les salons.

Je ne sais si je vous ai déjà dit que Madame Jermoloff avait accouché d'un gros garçon et que le père en question ne s'était pas trouvé là dans le moment. Il était à Moscou, mais dès qu'il a appris que son épouse était délivrée heureusement il revint. Ce qu'il lui dit pour la consoler de ses douleurs, je n'en sais rien, car il est plus réservé que jamais; on dirait qu'il est honteux de sa bonne fortune. Pour mon compte, je suis resté fidèle et je m'en trouve bien; mais d'un autre côté en fait de société d'hommes, je me trouve beaucoup mieux, je ne sais si je vous ai dit que je voyais Linski presque tous les jours ainsi que Platonoff qui sont deux charmants garçons et d'une existence très agréable. Quant à mon ami Gevers, je le vois très rarement. Il ne quitte pas la ville et moi je n'y vais presque jamais, car c'est d'un ennui à périr. Cependant nous allons quitter la campagne à la fin de ce mois; j'ai déjà envoyé mon premier homme de confiance en ville pour qu'il fasse arranger mon logement et remettre les rideaux que j'ai fait faire à neuf, c'est-à-dire laver; et dès que tout ceci sera prêt, je crois que je rentrerai, car je souffre depuis qu'il fait humide, et j'ai vu Sadler qui m'a dit qu'il fallait absolument que je recommence à me soigner. Mais soyez sans inquiétude, il a dit qu'avec peu de soins, il me remettra tout à fait, je crois que cela sera facile car je mène une vie très réglée, et dès que je rentrerai en ville, je me mettrai en ménage avec Gevers qui se fait faire la cuisine par la femme du portier et je vous assure que ce n'est pas une cuisinière comme la vôtre, mais elle a bien son mérite. Dites-moi donc pourquoi dans la dernière lettre vous avez donné à Gevers le titre de Monsieur, ne le faites plus si vous n'avez pas de raison particulière car ça lui a fait beaucoup de peine. C'est un grand malheur pour vous que le choléra règne en Italie, mais il faut espérer, et je suis presque sûr qu'il ne gagnera pas tout le pays et que vous trouverez un coin pour vous soigner. Vous savez si j'aurai du plaisir à vous revoir revenir, mais j'ai encore parlé hier avec Sadler touchant votre intention de revenir ici, et si cela était possible; il m'a dit que sous aucun prétexte vous [ne] devez revenir avant une année si vous avez envie de guérir tout à fait, car il a ajouté que le climat de Russie vous tuerait; de sorte [que] voyez si je vous laisserai revenir après une pareille confidence: moi je vous conseille de ne pas aller en Italie si le mal n'a pas tout à fait disparu, car il ne vous aime pas, il l'a malheureusement déjà prouvé une fois, mais allez passer votre hiver à Vienne ou à Paris et vous nous reviendrez le printemps gros et gras. C'est une lettre que Bray doit vous apporter, Dieu sait quand elle arrivera; depuis 8 jours il remet son voyage d'un jour à l'autre, il ne peut se décider à nous quitter.