Читать «Константин Бальмонт и поэзия французского языка/Konstantin Balmont et la poésie de langue française (билингва ru-fr)» онлайн - страница 25

Константин Бальмонт

1902

Ночами лета голубыми, Когда поют стрекозы, На Францию Бог пролил чашу звезд. До губ моих доносит ветер Вкус неба летнего — я пью Пространство, что свежо осеребрилось. Вечерний воздух — край холодной чаши. Полузакрыв свои глаза, Пью жадным ртом, как будто сок граната, Ту свежесть звездную, что льется от небес. И лежа на траве, Еще от ласки дня не охладевшей, С какой любовью я испил бы, Вот в этот вечер, Безмерную ту чашу голубую, Где бродит небосвод. Не Вакх ли я? Не Пан ли? Я пьянюсь Пространством, и горячее дыханье Я укрощаю свежестью ночей. Раскрыты губы небу, где трепещут Созвездья — да в меня стечет все небо! В нем да растаю я! Пространством опьянившись, небом звездным, Гюго и Байрон, Ламартин и Шелли Уж умерли. А все ж пространство — там, Течет безгранное. Едва им опьянился, И мчит меня, и пить хочу, еще!

Charles van Lerberghe

Шарль ван Лерберг

Ballade/Баллада

O Mère! qu'est-ce donc ce grand bruit dans la nuit? O Mère! qu'est-ce donc qui souffle et hurle ainsi? — Il neige. C'est la bise qui souffle en tempête Dans la neige, et ce sont de pauvres bêtes Qui ne peuvent dormir, de faim et de froid, Qui soufflent, qui s'agitent, qui courent dans le bois Par sauts et par bonds; qui vont, Comme les mendiants, clopin, clopant, Où va le froid, où va le vent, Où va la neige, où va le sang, Au fond du bois, vers une humble auge Où brûle un peu de feu d'étoile sur la paille; Là-bas, vers le triste et pauvre berceau, Où vient de naître un petit agneau Que lèche sa mère de sa langue rose; Et toutes ont de pauvres robes, Beiges, grises, noires, brunes, Couleur de soir, couleur de brume, Couleur de terre et de misère, Et toutes souffrent dans le vent qui souffle Et hurlent et beuglent, et jappent et miaulent, Et le vent hurle et beugle, Et souffle dans ses trompes rauques, et dans ses cors de corne, Et siffle dans ses flûtes aiguës, et claque des dents. Et les sapins aussi font un long bruit strident. Des brebis bêlent, des faons râlent, Un cerf brame épouvantablement; Des biches passent, une flèche dans le flanc, Et des lièvres dont le sang met des taches dans la neige, Il est aussi de pauvres oiseaux, Des cailles, des grives, des perdreaux, Des colombes, qui volent avec des ailes cassées, Des cous tordus et des pattes fauchées, Ou tombent — le bec ouvert — plein de sang. Et des plumes rouges volent dans la neige et dans le vent. C'est le massacre des innocents. C'est la détresse humble et cachée Des faibles, des timides, et des doux… Pourtant, il y a les corbeaux et les loups. ― Et que disent-elles? ― Elles disent: Faim! Faim! Encore, et toujours, et sans cesse et sans fin: Faim! Et les petits disent: Faim! et les vieux disent: Faim Notre Père! Notre Père! Faim! Faim! Faim! Notre Père! Notre pain! Et d'autres, à la fois, clament faim et froid, Criaillent: Faim! Croassent: froid! ― Et les poissons que disent-ils? ― Les poissons sont au fond de l'étang. Ils regardent sous la glace avec de grands yeux navrants. Ils demandent, dans leurs prières, De l'eau, de l'air, tristement à voix basse; Car l'eau gèle jusqu'а terre, Car ils étouffent, et vont mourir. Ils prient dans les profondeurs, Et leurs voix mornes et crépusculaires S'élèvent des grands étangs solitaires… Mais personne ne les entend. ― Et que font les hiboux? ― Ils volent sur la ville, dans les ténèbres, Comme des cloches funèbres; Ils crient: Unissez-vous! Unissez-vous! D'un ton très plaintif et très doux. Et c'est la lamentation suprême. Car les loups et les corbeaux Ont mangé le petit agneau, Et sa mère lèche son sang En pleurant et en bêlant; Et quand on l'entend, le cœur se fend! Car la misère est sur la terre; Et l'universel hurlement Gronde et monte vers le ciel sombre, Vers le ciel implacablement! ― Ô mère! Ecoute!… Il semble aussi Qu'une voix très lointaine chante… Où est-ce ta voix qui chante ainsi? Il fait si noir; j'ai peur. Est-ce qu'il neige encore? La lampe s'est éteinte et le feu s'est éteint. La nuit touche mes yeux. Je m'endors et je pleure… Ô mère! Donne la bénédiction du soir A mon cœur qui a pitié, Et chante-moi, en me berçant, Cette chanson plaintive et touchante Qu'ils chantent, là-bas, sans fin, sans fin… Mère, embrasse-moi, comme je t'embrasse, Pour tous ceux qui ont faim et froid Dans le vent, dans la neige et dans la glace. Et dis-moi, ne vais-je pas rêver, tantôt,  Que je suis le petit agneau Et que le loup me mange? ― Dors, enfant! Ce n'est qu'un songe… Dors, l'aube est proche. Dans le matin Vont sonner les cloches d'or. Repose, Il passe un souffle d'avril lointain. La neige se fond. Voici les roses… ― Ô Mère! Alors, comme un bon ange, Prends-moi dans tes bras, Pendant que le loup me mange. Reste près de moi. Embrasse-moi…