Читать «Том 6. Письма 1860-1873» онлайн - страница 13

Федор Иванович Тютчев

Вечером я ездил в Английский клуб, и, представьте себе, князь, даже этот клуб единодушно вас превозносил. Едва-едва не послали вам благодарственную телеграмму. — Однако верх взяло опасение, что в настоящих обстоятельствах подобный жест не передал бы всей серьезности чувств, за ним стоящих… Одним словом, князь, впечатление, произведенное здесь, в Москве, у меня на глазах, вашим заявлением, — тем в высшей степени достойным и твердым слогом, которым по вашему благородному почину заговорила Россия, — впечатление это есть достояние истории, и, повторюсь, я безмерно счастлив, что оказался ему свидетелем. — А счастливому хочется быть нескромным. Сделайте милость, дайте мне знать о себе через кого-либо, кто у вас сейчас под рукой. Вот мой адрес: Близь Тверской. Гнезненский переулок, дом бар. Корф. Ф. Тютчев

Тютчевой Эрн. Ф., 11 июля 1863

11. Эрн. Ф. ТЮТЧЕВОЙ 11 июля 1863 г. Москва

Moscou. Jeudi. 11 juillet

Je reçois à l’instant ta lettre en date du 6 — et quand j’en suis venu à cet endroit de ta lettre où tu me dis: «Je fais d’énormes promenades à moi toute seule et cela me rappelle les temps de ma jeunesse où je vivais ainsi seule», — je ne puis te dire quel flot de mélancolie poignante m’a submergé le cœur. Dans ce moment j’aurais de bon cœur sacrifié une année de vie pour me trouver transporté auprès de toi. Ah, il y a des fatalités bien odieuses… Mais de grâce, ne sois pas en peine de ma santé. Je me remets et serai bientôt réintégré dans mon état normal, bien peu normal, il est vrai. Il me tarde de savoir Marie revenue auprès de toi. Je sens si bien comme sa présence te manque et je lui gönne la tienne, pour un moment de laquelle je donnerais je ne sais quoi…

Nous touchons à la crise. Hier on a reçu les réponses de Gortchakoff qui ont été accueillies ici avec une satisfaction unanime. Elles sont dignes et fermes et ne laissent aux puissances d’autre alternative qu’une honteuse retraite ou la guerre. — Aussi plus que jamais je crois à la guerre et je la crois imminente. Pour Napoléon surtout c’est devenu une question de vie ou de mort, au moins politique.

J’ai écrit ce matin à Gortch<akoff> pour le complimenter — et cette fois j’ai eu la satisfaction de ne lui dire que des choses vraies (ce qui est bien agréable). Ses notes, encore une fois, sont très bien et tu les liras avec plaisir. — Mais je vous plains dans le moment actuel d’être pour vos informations à la merci de la poste. Ici, grâce à mes relations intimes et continuelles avec Катков, je suis presqu’aussi à la source des nouvelles que si j’étais à Péters<bourg>. — C’est une nature très sympathique que Катков. Je dîne demain chez lui et nous boirons à la santé de Gortch<akoff>. — Je l’en ai prévenu.

Je vois ici beaucoup l’ami Павлов, Аксаков, Погодин et tutti quanti. Je me félicite de m’être trouvé à Moscou dans ce moment-ci. Je compte rester encore ici presqu’à la fin du mois, puis je retourne à Péters<bourg> et puis, s’il n’y a pas guerre — et si il y a un bout de soleil en août — il pourrait bien se faire qu’en dépit de tes exhortations vous me voyez encore arriver à Ovstoug… Ah que n’y suis-je déjà!