Читать «Том 11. Былое и думы. Часть 6-8» онлайн - страница 32

Александр Иванович Герцен

…Sur le point particulier de la Rénovation ethnographique prochaine, j’ai trouvé dans votre livre (surtout dans l’introduction) bien des passages qui semblent se rapprocher de mon opinion. Quoique vos conclusions ne soient pas très nettement formulées sur ce point, je crois que vous comptez pour le succès de la Révolution sur la fédération démocratique des races slaves qui donneront à l’Europe l’impulsion générale. Il est bien entendu que nous ne différons pas pour le but: la Résurrection du Continent sous la forme démocratique et sociale. Mais je crois que le sac de la Civilisation sera fait par l’Absolutisme. Là je vois toute la différence entre nous.

Oui, j’ai conçu ces convictions qu’on dit malheureuses, et j’y persiste parce que chaque jour je les trouve plus justes:

1) que la Force a quelque chose à voir dans les affaires de notre microcosme;

2) qu’en étudiant la marche des événements révolutionnaires dans le temps et dans l’espace on se convainct que la Force prépare toujours la Révolution que l’Idée a démontrée nécessaire;

3) que l’Idée ne peut pas accomplir l’œuvre de sang et de destruction;

4) que le Despotisme, au point de vue de la Rapidité, de la Sûreté, de la possibilité d’exécution, est plus apte que la Démocratie à bouleverser un monde;

5) que l’armée monarchique russe sera plutôt mise en mouvement que la phalange démocratique slave;

6) qu’il n’y a que la Russie en Europe assez compacte encore sous l’absolutisme, assez peu divisée par les intérêts propriétaires et les partis pour faire bloc, coin, massue, glaive, épée, et exécuter l’Occident, et trancher le nœud gordien;

etc. etc. etc.

Qu’on me montre une autre force capable d’accomplir une pareille tâche; qu’on me fasse voir quelque part une armée démocratique toute prête et décidée à frapper sur les peuples, les frères, et à faire couler le sang, à brûler, à abattre, sans regarder derrière elle, sans hésiter. Et je changerai de manière de voir.

Avec vous, je voulais seulement bien spécifier la question et la limiter sur ce seul point, le moyen d'exécution générale de la civilisation occidentale. Je n’ai pas besoin de vous dire que notre appréciation sur le Passé et l’Avenir est la même. Nous ne différons absolument que sur le Présent. Vous, qui avez si bien apprécié le rôle révolutionnaire de Pierre Ier, pourquoi ne pourriez-vous pas penser que tout autre, Nicolas ou l’un de ses successeurs, pût avoir un semblable rôle à accomplir? Quelle autre main plus puissante, plus large, plus capable de rassembler des peuples conquérants, voyez-vous à l’Orient? Avant que la démocratie slave ait trouvé son mot d’ordre et traduit le vague secret de ses aspirations, le tzar aura bouleversé l’Europe. Le sort des nations civilisées est dans son bras, s’il le veut. Le monde ne tremble-t-il pas parce qu’il a parlé un peu plus haut que d’habitude? Je vous l’avoue, cette force me frappe tellement, que je ne puis concevoir qu’on cherche à en voir une autre. Et les révolutionnaires sentent tellement la nécessité d’une dictature pour démolir, qu’ils voudraient l’instituer eux-mêmes dans le cas de réussite d’une nouvelle Révolution. A mon sens, ils ne se trompent pas sur la nécessité du moyen; seulement il n’est ni dans leur rôle, ni dans leurs principes, ni dans leurs forces de l’employer. Moi, j’aime mieux voir le Despotisme se charger de cette odieuse tâche de fossoyeur.