Читать «Французский с любовью. Тристан и Изольда / Le roman de Tristan et Iseut» онлайн - страница 4

Н. М. Долгорукова

Il fit ainsi, et, durant trois années, une mutuelle tendresse grandit dans leurs cœurs. Le jour, Tristan suivait Marc aux plaids ou en chasse, et, la nuit, comme il couchait dans la chambre royale parmi les privés et les fidèles, si le roi était triste, il harpait pour apaiser son déconfort. Les barons le chérissaient, et, sur tous les autres, comme l’histoire vous l’apprendra, le sénéchal Dinas de Lidan. Mais plus tendrement que les barons et que Dinas de Lidan, le roi l’aimait. Malgré leur tendresse, Tristan ne se consolait pas d’avoir perdu Rohalt son père, et son maître Gorvenal, et la terre de Loonnois.

Seigneurs, il sied au conteur qui veut plaire d’éviter les trop longs récits. La matière de ce conte est si belle et si diverse : que servirait de l’allonger ? Je dirai donc brièvement comment, après avoir longtemps erré par les mers et les pays, Rohalt le Foi-Tenant aborda en Cornouailles, retrouva Tristan, et, montrant au roi l’escarboucle jadis donnée par lui à Blanchefleur comme un cher présent nuptial, lui dit : « Roi Marc, celui-ci est Tristan de Loonnois, votre neveu, fils de votre sœur Blanchefleur et du roi Rivalen. Le duc Morgan tient sa terre à grand tort ; il est temps qu’elle fasse retour au droit héritier. »

Et je dirai brièvement comment Tristan, ayant reçu de son oncle les armes de chevalier, franchit la mer sur les nefs de Cornouailles, se fit reconnaître des anciens vassaux de son père, défia le meurtrier de Rivalen, l’occit et recouvra sa terre. Puis il songea que le roi Marc ne pouvait plus vivre heureusement sans lui, et comme la noblesse de son cœur lui révélait toujours le parti le plus sage, il manda ses comtes et ses barons, et leur parla ainsi : « Seigneurs de Loonnois, j’ai reconquis ce pays et j’ai vengé le roi Rivalen par l’aide de Dieu et par votre aide. Ainsi j’ai rendu à mon père son droit. Mais deux hommes, Rohalt et le roi Marc de Cornouailles, ont soutenu l’orphelin et l’enfant errant, et je dois aussi les appeler pères ; à ceux-là, pareillement, ne dois-je pas rendre leur droit ? Or, un haut homme a deux choses à lui : sa terre et son corps. Donc, à Rohalt que voici, j’abandonnerai ma terre : père, vous la tiendrez, et votre fils la tiendra après vous. Au roi Marc, j’abandonnerai mon corps ; je quitterai ce pays, bien qu’il me soit cher, et j’irai servir mon seigneur Marc en Cornouailles. Telle est ma pensée ; mais vous êtes mes féaux, seigneurs de Loonnois, et me devez le conseil : si donc l’un de vous veut m’enseigner une autre résolution, qu’il se lève, et qu’il parle ! »