Читать «Французский с любовью. Тристан и Изольда / Le roman de Tristan et Iseut» онлайн - страница 3

Н. М. Долгорукова

« Ami, dit le maître-veneur, ces coutumes sont belles ; en quelle terre les as-tu apprises ? Dis-nous ton pays et ton nom. – Beau seigneur, on m’appelle Tristan ; et j’appris ces coutumes en mon pays de Loonnois. – Tristan, dit le veneur, que Dieu récompense le père qui t’éleva si noblement ! Sans doute, il est un baron riche et puissant ? »

Mais Tristan, qui savait bien parler et bien se taire, répondit par ruse : « Non, seigneur, mon père est un marchand. J’ai quitté secrètement sa maison sur une nef qui partait pour trafiquer au loin, car je voulais apprendre comment se comportent les hommes des terres étrangères. Mais, si vous m’acceptez parmi vos veneurs, je vous suivrai volontiers, et vous ferai connaître, beau seigneur, d’autres déduits de vénerie. – Beau Tristan, je m’étonne qu’il soit une terre où les fils des marchands savent ce qu’ignorent ailleurs les fils des chevaliers. Mais viens avec nous, puisque tu le désires, et sois le bienvenu. Nous te conduirons près du roi Marc, notre seigneur. » Tristan achevait de défaire le cerf. Il donna aux chiens le cœur, le massacre et les entrailles, et enseigna aux chasseurs comment se doivent faire la curée et le forhu. Puis il planta sur des fourches les morceaux bien divisés et les confia aux différents veneurs : à l’un la tête, à l’autre le cimier et les grands filets ; à ceux-ci les épaules, à ceux-là les cuissots, à cet autre le gros des nombles. Il leur apprit comment ils devaient se ranger deux par deux pour chevaucher en belle ordonnance, selon la noblesse des pièces de venaison dressées sur les fourches.

Alors ils se mirent à la voie en devisant, tant qu’ils découvrirent enfin un riche château. Des prairies l’environnaient, des vergers, des eaux vives, des pêcheries et des terres de labour. Des nefs nombreuses entraient au port. Le château se dressait sur la mer, fort et beau, bien muni contre tout assaut et tous engins de guerre ; et sa maîtresse tour, jadis élevée par les géants, était bâtie de blocs de pierre, grands et bien taillés, disposés comme un échiquier de sinople et d’azur.

Tristan demanda le nom de ce château. « Beau valet, on le nomme Tintagel. – Tintagel, s’écria Tristan, béni sois-tu de Dieu, et bénis soient tes hôtes ! » Seigneurs, c’est là que jadis, à grand’joie, son père Rivalen avait épousé Blanchefleur. Mais, hélas ! Tristan l’ignorait.

Quand ils parvinrent au pied du donjon, les fanfares des veneurs attirèrent aux portes les barons et le roi Marc lui-même.

Après que le maître-veneur lui eut conté l’aventure, Marc admira le bel arroi de cette chevauchée, le cerf bien dépecé, et le grand sens des coutumes de vénerie. Mais surtout il admirait le bel enfant étranger, et ses yeux ne pouvaient se détacher de lui. D’où lui venait cette première tendresse ? Le roi interrogeait son cœur et ne pouvait le comprendre. Seigneurs, c’était son sang qui s’émouvait et parlait en lui, et l’amour qu’il avait porté à sa sœur Blanchefleur.

Le soir, quand les tables furent levées, un jongleur gallois, maître en son art, s’avança parmi les barons assemblés, et chanta des lais de harpe. Tristan était assis aux pieds du roi, et, comme le harpeur préludait à une nouvelle mélodie, Tristan lui parla ainsi : « Maître, ce lai est beau entre tous : jadis les anciens Bretons l’ont fait pour célébrer les amours de Graelent. L’air en est doux, et douces les paroles. Maître, ta voix est habile, harpe-le bien! » Le Gallois chanta, puis répondit : « Enfant, que sais-tu donc de l’art des instruments ? Si les marchands de la terre de Loonnois enseignent aussi à leurs fils le jeu des harpes, des rotes et des vielles, lève-toi, prends cette harpe, et montre ton adresse. » Tristan prit la harpe et chanta si bellement que les barons s’attendrissaient à l’entendre. Et Marc admirait le harpeur venu de ce pays de Loonnois où jadis Rivalen avait emporté Blanchefleur. Quand le lai fut achevé, le roi se tut longuement. « Fils, dit-il enfin, béni soit le maître qui t’enseigna, et béni sois-tu de Dieu ! Dieu aime les bons chanteurs. Leur voix et la voix de la harpe pénètrent le cœur des hommes, réveillent leurs souvenirs chers et leur font oublier maint deuil et maint méfait. Tu es venu pour notre joie en cette demeure. Reste longtemps près de moi, ami ! —Volontiers, je vous servirai, sire, répondit Tristan, comme votre harpeur, votre veneur et votre homme lige ».