Читать «Le Voleur d"Or (Золотой вор)» онлайн - страница 38

Марсель Аллен

Juve, en effet, avait l’air brusquement intéressé par l’étrange histoire dont il venait d’écouter les détails.

Le policier, en sortant du cabinet du chef de la Sûreté, après avoir promis de mener l’enquête activement, articulait en effet d’un ton convaincu :

— Le chef est persuadé que ce n’est pas Fantômas que je vais avoir à combattre, est-ce qu’il ne se tromperait pas, par hasard ? Elle est tragique, cette aventure qui menace d’endeuiller toute la famille du directeur de la Monnaie !…

Juve rentra chez lui, rue Tardieu, fort préoccupé. Il répondit à peine aux questions, d’ailleurs flegmatiques, que lui posait le vieux Jean, étonné malgré son calme de le voir revenir.

Le vieux Jean croyait son maître parti pour deux mois, et Juve arrivait au bout de deux jours. Mais le vieux Jean avait bien trop l’habitude des excentricités de Juve pour s’étonner outre mesure.

— Mon lit est fait ? demandait Juve.

— Naturellement ! répondit le vieux Jean.

Et c’était en effet exact, la couverture était même préparée.

Ce même jour où Juve devait débarquer du Jean-Bartà Bordeaux, rentrer à Paris et apprendre de la bouche même de M. Havard qu’il allait être chargé d’une affaire assez grave et délicate, à trois heures de l’après-midi, deux inséparables amis déambulaient bras dessus, bras dessous le long des berges de la Seine, s’intéressant à la tranquille patience des pêcheurs à la ligne trempant leur fil dans l’eau sans risquer, et pour cause, de pêcher un seul poisson.

Les deux inséparables amis n’étaient autres que Bec-de-Gaz et Œil-de-Bœuf.

Ils étaient tour à tour moroses, et tour à tour joyeux.

Bec-de-Gaz, d’un ton plaintif, déclarait :

— Moi, mon vieux, quand je vois tant d’eau, ça me fiche la pépie. Si qu’on allait s’offrir un verre de vin !…

À quoi Œil-de-Bœuf répliquait aimablement ;

— Parbleu, je n’y vois aucun inconvénient, ma vieille, seul’ment, tu m’as l’air d’oublier que j’suis nib de pèze en ce moment.

Le front de Bec-de-Gaz se rembrunit immédiatement.

— Ça, c’est bien vrai, déclarait-il. Depuis quelque temps, ce qu’on est fauchés tous les deux !…

Et, crachant de dégoût, Bec-de-Gaz poursuivait :

— Ah, elle est rien mauvaise, l’année !… Les bourgeois, y n’sortent plus !… L’commerce, ça n’donne rien !… J’ai pas seulement fait un mouchoir depuis trois jours !…

— Et moi, approuva Œil-de-Bœuf, j’ai pas même trouvé une thune et trois linvés dans le sac à or de la vieille que j’ai r’filé à la réunion !

Bec-de-Gaz et Œil-de-Bœuf s’étaient improvisés pickpockets et voleurs à la tire depuis quelque temps. Par malheur, comme ils le disaient eux-mêmes, le commerce n’allait pas et ils ne se trouvaient pas sur le chemin de la fortune. Il y avait à cela une raison, il est vrai, c’est que Bec-de-Gaz et Œil-de-Bœuf, depuis les tragiques affaires du Jockey masqué, étaient devenus des habitués du champ de course.

Ils prétendaient fréquenter le turf pour y visiter les poches des joueurs, mais en réalité ils jouaient eux-mêmes, risquant avec une véritable frénésie les pièces de cent sous qu’ils gagnaient et gardant tout juste assez de lucidité pour mettre de côté chaque jour de quoi s’enivrer copieusement.