Читать «Чёрная речка. До и после (К истории дуэли Пушкина)» онлайн - страница 74

Серена Витале

En fait de nouvelles, il n'y a rien d'intéressant si ce n'est l'arrivée de Monsieur de Barante, ambassadeur des Français, qui a produit un effet assez agréable par son extérieur, tu sais que c'est là le grand point; aussi le soir de la présentation Sa Majesté m'a demandé si je le connaissais et a ajouté qu'il avait l'air d'un homme tout à fait comme il faut.

Madame Solovoy est bien malheureuse, elle vient de perdre sa mère subitement; cette pauvre princesse Gagarine avait si bonne mine que sa mort a étonné toute la ville; elle est morte d'une hydropisie de poitrine.

J'oubliais presque de te raconter ce qui fait depuis quelques jours le sujet de toutes les conversations de Pétersbourg, c'est vraiment une chose affreuse et si tu voulais confier ceci à quelques compatriotes à moi, ils seraient capables d'en faire un fameux roman. Voilà l'histoire: aux environs de Nowgrad se trouve un couvent de femmes parmi lesquelles s'en trouvait une fameuse dans le pays pour sa beauté. Un officier des dragons en tomba éperdument amoureux. Après l'avoir persécuté pendant plus d'une année entière, elle consentit enfin à le recevoir, à condition qu'il viendrait à pied au couvent et sans se faire accompagner par personne. Le jour arrivé il partit de chez lui vers la minuit et se rendit à l'endroit désigné et il y trouva la religieuse en question, qui sans lui dire un mot l'entraîna au couvent. Arrivé dans sa cellule, il trouva un excellent souper avec toutes espèces de vins. Après le souper il voulut profiter du tête-à-tête et commença par lui faire les plus grandes protestations d'amour; celle-ci, après l'avoir écouté avec le plus grand sang-froid, lui demanda quelle preuve il voulait lui donner de son amour pour elle. Lui promit tout ce qui lui passait par la tête — entre autre que si elle voulait consentir il l'enlèverait et l'épouserait — quand elle lui répondait toujours que cela ne lui suffirait pas. Enfin l'officier, poussé à bout, lui dit qu'il ferait tout ce qu'elle demanderait. Après lui en avoir fait prêter le serment, elle le prit par la main et le mena à une armoire, lui fit voir un sac et lui dit que s'il voulait le porter dans la rivière sans l'ouvrir, il n'avait qu'à revenir, qu'alors elle n'aurait plus rien à lui refuser. L'officier consent, elle le fait sortir du couvent, mais il n'avait pas fait 200 pas qu'il se trouva mal et tomba. Heureusement un de ses camarades qui l'avait suivi de loin lorsqu'il était sorti et qui l'avait attendu près du couvent, a couru de suite à lui. Mais il était trop tard: la malheureuse l'avait empoisonné et il n'a survécu que le temps nécessaire pour donner ces détails. Et lorsque la police ouvrit le sac, elle y trouva la moitié d'un moine horriblement mutilé; la religieuse fut aussitôt arrêtée et l'on fait son procès qui ne sera probablement pas long: si le pauvre diable n'avait pas été suivi de son camarade, certainement ces deux crimes seraient restés impunis car la coquine avait parfaitement tout bien calculé.