Читать «Чёрная речка. До и после (К истории дуэли Пушкина)» онлайн - страница 60

Серена Витале

Я всё забывал рассказать вам о младшей Хрептович, вернувшейся с вод ещё уродливей, чем была, и невероятно растолстевшей. Особенно руки у неё толсты до неприличия, прямо как ляжки; она много рассказывала мне о брате Альфонсе, лицо которого находит весьма интересным, но — сказала она с обиженной гримаской — он не попросил, чтобы его ей представили. Ещё хотел бы я знать, отчего во всех письмах из Сульца ты постоянно рассказываешь о сёстрах и никогда о брате. А я был бы рад подробно узнать твоё мнение о нём, так как почти не знаю его характера, поскольку с 15-летнего возраста мы росли отдельно.

Ваша история с Фердинандом весьма меня позабавила, видно, он всё такая же скотина, и я никогда не понимал, почему за него выдали сестру, горе молоденькой! Видно, он неожиданно сделался очень обидчив, а ведь я помню время, когда он первый подшучивал над своей уродливой физиономией. Хотелось бы знать, приезжал ли при тебе в Сульц родственник моей матери. Это чудный малый, и у него прехорошенькая жёнушка; уверен, оба тебе понравятся. Передай от меня множество дружеских пожеланий всему семейству во главе с папенькой, ну, а тебе скажу только, что я не отношусь к неблагодарным.

Ж. Дантес

[на полях 1-го листа:]

Я послал для тебя небольшое письмецо в большом, отправленном отцу, отчего же ты не пишешь о нём в своём последнем письме из Фрейбурга?

[на полях 3-го листа:]

Тысяча извинений, мой драгоценный, что в письме моём столько помарок, но я всегда пишу так, как беседовал бы с тобою у камина, и не могу решиться писать с черновиков, это было бы слишком претенциозно и стесняло бы меня.

[на полях 4-го листа:]

Едва не забыл сказать, что разрываю отношения с Супругой и надеюсь в следующем письме сообщить тебе об окончании своего романа. 

XIV

Mon très cher ami ta dernière lettre m'a presque mis dans le cas d'être fâché de celle que je t'avais écrite, car je me suis étendu si en long et en large sur le bonheur et l'avantage que nous aurions tous les deux de demeurer très près de la France que tu crois maintenant que je suis au désespoir parce que la vente a manqué, rassure-toi, certainement, comme je t'écrivais, demeurer avec toi si près des miens aurait comblé mon idéal de bonheur, mais bien entendu il fallait commencer par y trouver son compte et faire une bonne affaire. Car si cette terre au lieu d'être un agrément et un revenu était devenue un gouffre qui aurait englouti continuellement sans jamais rien rapporter, elle serait devenue bien vite une charge. Comme tu me l'exposes très bien, les revenus n'auraient pas répondu aux capitaux qu'il fallait y placer, et puis avec de l'argent comptant l'on trouve toujours moyen de [se] caser commodément et agréablement.

C'est donc une affaire faite et n'en parlons plus que pour te dire que tout ce que tu feras ou voudras faire aura toujours d'avance mon approbation parce que je suis sûr qu'il n'est pas possible que l'on fasse mieux que toi, mon très cher. Ce que je te dis ressemble furieusement à un compliment, mais de moi à toi, c'est toujours le cœur qui parle et cela aussi autant que possible. Avant d'aller plus loin il faut que je te remercie pour tout ce que tu viens encore de faire pour moi et pour les miens; le résultat sera immense d'avoir chassé ce grand coquin de Delavilleuse que du reste j'ai toujours déclaré comme tel, ce qui me valait la plupart du temps des bourrasques paternelles, et une augmentation de confiance dans le coquin en question. Oh, que oui, c'est un grand bonheur pour toute la famille d'en être débarrassé et nous devons tous une fameuse chandelle pour ceci; outre que cela sera une augmentation dans les revenus de la maison, nous saurons après l'enquête que tu feras quelle est notre fortune, car jusqu'à présent je défie mon père de dire ce qu'il possède, et ce qui est énorme pour nous tous, c'est que papa a cédé sans faire de difficultés, c'est une preuve qu'il a une confiance aveugle en toi et qu'il suivra toujours tes conseils. C'est peut-être mal ce que je vais te dire et ce n'est pas aux fils à juger le père, mais comme je le pense, tu le sauras: quoiqu'il soit l'homme le plus honnête et le plus probe qu'il soit possible de trouver, il a eu toute sa vie besoin d'être mené, ce qui, comme tu peux bien le penser, a toujours ouvert un vaste champ aux coquins; aussi n'a-t-il jamais manqué d'en être entouré et ce qu'il y a de plus affreux à dire et à penser, c'est qu'il les a toujours trouvés dans sa famille et dans les plus proches parents, mais maintenant que tu es là et que tu es assez bon de t'occuper de nos biens, je vais te dire les réflexions que m'a fait faire la vue des papiers qui m'ont été confiés pendant les 6 mois que mon père m'avait permis de me mettre un peu dans ses affaires. Ma sœur t'aura probablement parlé d'une vieille histoire de journaux dans laquelle mon père a donné tête baissée malgré tous les avis de ma mère qui voyait parfaitement qu'il allait être victime de nouveau de quelques friponneries, car il faut le dire que ces mêmes personnes l'avaient déjà dupé 8 ans auparavant pour une somme de cent cinquante mille francs, que dis-je, au moins deux cent mille francs, car certainement les frais et les intérêts immenses qu'il a été obligé de payer pour se procurer cette somme, et les magnifiques terres qu'il a été obligé de vendre pour rembourser ses créanciers lui ont certainement fait un déficit aussi immense. Eh bien, cette affaire à peine terminée, il s'embarque dans une autre, toujours parce qu'il est persuadé que tout le monde est aussi honnête homme que lui, et ces individus prétendaient qu'ils avaient entrepris cette spéculation qui selon eux devait rapporter des sommes sûres, qu'ils avaient entrepris cette spéculation, dis-je, tout simplement pour gagner assez d'argent afin de le rembourser. Il croit à une belle phrase et se laisse aller, mais comme ces messieurs avaient mangé depuis très longtemps leurs fortunes respectives, mon père devait être garant de toutes les sommes que l'on serait obligé d'avancer pour mettre la chose en train et qui devaient rapporter des monceaux d'or. Aussi ce que toute personne sage avait prévu arriva: je te demande — un journal allemand rédigé à Paris! Mais comme ils avaient tous des appointements à toucher, ils ne cessèrent pas lorsqu'il virent au bout de quelque temps que la chose ne pouvait pas aller, et continuèrent à faire voyager en Allemagne des individus, à ce qu'ils prétendaient pour avoir des abonnés. Aussi avec beaucoup de peine, ils en rassemblent une centaine et au lieu de cesser comme il était temps encore, car le nombre d'abonnés ne suffisait pas même pour couvrir les frais d'impression, ils continuèrent à aller jusqu'enfin mon père déclarât qu'il ne fournirait plus d'argent, alors force fut d'abandonner la vache à lait, et cependant, pour laisser un souvenir, il déclarèrent à mon père qu'il se trouvait un déficit dans la caisse de 50 mille francs qu'il fallut payer; mon père fit alors un emprunt de cette somme à Versailles chez une dame où ces trois gaillards se reconnurent devoir payer chacun pour un quart; quelque temps après arrive la révolution. L'un, le mari de madame Adèle, celle qui fait la putain à Soulz, fait du sentiment, perd sa place, se trouve sur le pavé, et au lieu de payer sa part nous tombe sur les bras, l'autre, qui est le beau-frère de papa, même laisse sa famille dans la misère. Personne dans la famille, car papa a encore un frère et une sœur qui sont plus riches que lui et qui ont moins d'enfants, ne veut s'en charger; papa les prend à la maison et les entretient comme sans doute Nanine te l'aura dit; voilà une seconde part qu'il faudrait payer, mais voici justement où j'aurai recours à toi et où je te prierai de donner des conseils à Nanine. Deux des enfants de ma tante se sont parfaitement mariés grâce à la fortune, et comme je sais qu'il existe une déclaration signée par les enfants de mon oncle comme quoi ils reconnaissent toutes les dettes du père et qu'ils payeront dès qu'ils en auront les moyens, je crois que cela serait une duperie de supporter tous seuls la faute dans laquelle mon père a entraîné les miens; je crois que l'on devrait faire usage de cette déclaration qui existe et qui est déposée chez un notaire à Versailles, d'autant plus que ces deux-là se conduisent très mal pour leur mère à laquelle ils ne donnent aucun secours et ne rougissent pas de nous en laisser tout le fardeau. Je trouve que des gens comme cela ne méritent pas d'égards, mais il y a surtout le quatrième, un Monsieur von Genen qui se dit Hollandais et que je te recommande; c'était le rédacteur en chef, et qui a fait la plus belle part dans cette malheureuse affaire. Enfin figure-toi qu'il avait une grande bête de fille de 16 ans qui ne mettait jamais les pieds au bureau et cependant il avait le front de la porter sur le comptes pour mille francs d'appointements par an comme rédacteur à ce qu'il prétendait. Ceci c'est de l'histoire, car pendant que j'étais en pension à Paris c'était chez lui que je sortais, et jamais de la vie je l'ai aperçue dans le malheureux bureau. Il y a aussi une espèce d'homme d'affaires à Paris auquel j'ai écrit plus de dix fois pour avoir les comptes détaillés des mémoires qu'ils nous envoyaient et l'année dernière ma sœur m'écrivait qu'il n'avait pas encore donné de réponse; voilà pourquoi Alphonse doit aller à Paris pour terminer cette affaire; je t'avoue franchement que je ne crois pas mon frère capable d'une pareille mission et j'ai bien peur qu'il n'en soit pour ses frais de route; voilà pourquoi je voudrais que pendant que tu seras à Paris, tu ailles faire quelques visites à ces coquins, persuadé que je suis que tu feras en quelques jours plus qu'il ne pourrait faire dans un an, et puis il restera à la maison où maintenant sa présence sera absolument nécessaire. Quoique je t'aie donné tous ces détails de mémoire, je ne crois pas que je me sois trompé mais du reste tu pourras encore avoir tous les détails de Nanine qui est au fait de tout, quant au service que je te demande pour Paris je le fais sans façon persuadé que tu le refuseras de même si cela devait t'ennuyer.