Читать «Чёрная речка. До и после (К истории дуэли Пушкина)» онлайн - страница 27

Серена Витале

V

Pétersbourg, le 2 Août 1835

Mon bien cher ami vous m'avez tellement gâté en m'écrivant souvent que je ne puis pas me faire à votre silence: et voilà 3 semaines que vous ne m'avez pas donné signe de vie! Je ne suis pas inquiet sur votre santé. J'ai été rassuré par Bray à qui vous avez écrit depuis moi, mais je vous avertis que décidément je ne vous permets pas de rester si longtemps sans me donner de vos nouvelles car je [ne] veux savoir tout ce que vous faites et ce que vous devenez que par vous-même.

Nous avons depuis le retour du camp un temps magnifique, et de plus, nous nous amusons autant que possible. D'abord la Cour a habité très longtemps Jélaken, ce qui rend le séjour des Iles excessivement gai, et de plus il y a plusieurs de ces messieurs qui ont eu la charmante idée de nous donner des fêtes aux Eaux, à l'instar des bals qui se donnent à l'étranger. Je puis vous assurer qu'ils sont charmants et qu'ils ont parfaitement bien réussi et à un tel point que la Cour a bien voulu en être. Madame Klein a eu au dernier bal un triomphe qui a dû joliment flatter son petit amour-propre de femme; il faut vous dire que dès que l'Impératrice est entrée au bal elle s'est aprochée d'elle en lui disant qu'elle désirait depuis longtemps faire sa connaissance et s'est entretenue assez longtemps; et je vous assure que ça a fait un fameux effet parmis les femmes de négociants. Mais du reste, elle n'est pas devenue plus fière, je l'ai vue encore hier, et toujours bonne personne. J'ai toujours oublié de vous donner quelques détails sur le séjour de Julie à Pét[ersbourg] et cependant elle doit vous intéresser, car vous êtes un de ses anciens adorateurs: un de perdu 100 de retrouvés, car votre départ ne laisse pas de vide dans son coeur; au commencement de son séjour sa maison était devenue une vraie caserne car tous les officiers du régiment y passaient leur soir, et vous pouvez vous imaginer tout ce qu'on y faisait cependant la morale a toujours été respectée, car les personnes bien informées assurent qu'elle a un cancer à la matrice. Mais l'Empereur qui n'est pas entré dans tous ces détails et qui recevait tous les jours des rapports où on lui disait que les officiers au lieu d'être au camp passaient leur existence sur la grande route, s'est fâché et a fait témoigner son mécontentement aux officiers par le général. Mais malheureusement sur ces entrefaites arriva le jour de naissance de Julie, elle donna à sa terre une fête magnifique à ses paysans; vous pensez bien qu'on y fit des folies, moi je n'y étais pas, mais le méchant public raconte des choses incroyables que moi je sais être fausses. Par exemple, qu'elle avait fait monter des paysannes aux mâts, et qu'à chaque nouvelle chute de ces femmes, c'était des cris et des joies à n'en plus finir, et qu'elle fit aussi faire des courses à cheval aux paysannes, que ces femmes étaient assises à califourchon sans pantalons et sans selles, enfin toutes des plaisanteries dans ce genre. Et ce qu'il y a de plus malheureux c'est qu'Alexandre Troubeskoy en revenant s'est cassé et foulé un bras. Vous pensez bien que l'Empereur a eu connaissance de tous ces bruits et du bras cassé d'Alexandre; aussi a-t-il été furieux le lendemain au bal de Démidoff et il a dit en parlant à notre général devant 40 personnes: «Les officiers de ton régiment feront donc toujours des bêtises, ils ne seront contents que lorsque j'en aurai passé une demi-douzaine à l'armée, et quant à cette femme, en parlant de Julie, elle n'aura de repos que lorsque je la ferai chasser par la police, car il ne lui suffit pas encore de se trouver chez le gouverneur général sur la liste des filles publiques».