Читать «Том 6. Письма 1860-1873» онлайн - страница 7
Федор Иванович Тютчев
Sur le lac de Brienz je suis allé voir le
A Thun j’ai donné lieu à une singulière méprise. Quelques stupides Anglais, ayant lu dans le livre des étrangers mon nom accompagné de ma qualité de Chambellan, et n’ayant, à ce qu’il paraît, pu déchiffrer de mon griffonnage que les mots:
A
Ah, ma fille, pourquoi vit-on jusqu’à un certain âge…
Eh bien, de tous ces endroits que je vous ai énumérés, je me proposai de vous écrire, mais la conviction m’a manqué. Et, certes, elle aurait manqué à moins. En effet, je ne sais ce qui vous arrive et comment je dois m’expliquer ce silence de néant où vous vous renfermez à mon égard… Heureusement, j’ai usé l’inquiétude, car autrement j’en serais fou à l’heure qu’il est… Les dernières nouvelles que j’aie reçues de vous, c’est ta lettre en date du 2 juillet qui est allée me chercher à Bade. Tu avais, peut-être, quelque raison de me l’adresser là. Car il y a 3 semaines que j’aurais dû y être. Mais au moment d’y aller je me suis si vivement rappelé certaines impressions de la localité, la cohue des salons de jeu, le désœuvrement affairé de tout ce monde plus qu’à moitié canaille se coudoyant toute le journée comme dans une impasse, — voire même le cercle prétentieusement exclusif de nos dames de Pétersb<ourg>, que je suis si sûr de revoir longuement dans le courant de cet hiver. — Je me suis si vivement représenté tout cela, que j’ai eu honte de mon empressement à aller ressaisir toutes ces belles choses si connues et toujours les mêmes, tandis qu’à deux pas de moi je pouvais me donner le spectacle des plus grandes magnificences de la nature… Et c’est ce scrupule de conscience qui a décidé la tournée que je viens d’accomplir… Maintenant me voilà revenu encore une fois sur les bords du Lac de Genève que j’ai revus avec un plaisir infini, tant il y a un charme tout particulier attaché à cette localité. Ce qui m’a aussi ramené ici, c’est une vague velléité de faire une course à Chamonix, que je devais faire il y a trois semaines, mais qu’au moment donné des apparences de mauvais temps m’avaient fait ajourner. Maintenant c’est le moment de la saison le plus favorable pour la réaliser, mais cette réalisation dépend de certaines conditions: et d’abord, il faut que je trouve à m’associer à quelqu’un de plus convaincu que moi, comme j’avais réussi à le faire pour ma course précédente grâce à un bon jeune homme, un compatriote, un certain Mr Korsakoff, officier d’artillerie, et sorti depuis quelques mois seulement de la maison des fous, dont il a emporté quelques impressions assez originales… Et puis — ou plutôt avant tout — il faut qu’à tout prix j’aie de vos nouvelles. Je viens de télégraphier à Bade-Bade pour réclamer les lettres qui pourraient s’y trouver à mon adresse… et je puis dire avec toute vérité, que j’en ai la fièvre d’incertitude et d’impatience… Voilà deux grands mois que je suis sans nouvelles directes de ma femme et de Marie. J’aurais commis des crimes à être traduit en cour d’assises, que je n’aurais pas mérité un pareil supplice. Ceci, positivement, m’empoisonne tout… Enfin, à la grâce de Dieu… Mais cette expérience ne sera pas perdue pour moi. Pour le 15 août st<yle> russe je serai bien certainement rentré à Pétersb<ourg>. C’est vers cette époque, je suppose, que tes frères doivent y rentrer… Voilà beaucoup de griffonnage, et que vous ai-je dit? — Ma santé est fort bonne, mais je puis bien dire qu’en ce moment c’est le cadet de mes soucis… C’est de vos nouvelles que j’ai besoin…