Читать «Тетрадь четвертая» онлайн - страница 6
Марина Цветаева
Vous souvenez-Vous encore de moi? Vous étiez tout jeune, nous étions tous jeunes. C’était Moscou. C’était Noël. C’était la neige. Vous écriviez des vers. J’écrivais des vers. Nous les lisions à M-elle Hélène Guedwillo.
Vous aimiez Francis Jammes, j’aimais Edmond Rostand. Mais on s’entendait bien. M-elle Guedwillo aimait les vers et la jeunesse.
Arrivée en 1925 à Paris je n’ai jamais renoué avec personne — de mon enfence. Chaque passé est passé, celui-là (Guerre, Révolution) était le Passé absolu, total, n’ayant jamais existé.
Mais jamais, aussi, je n’ai entendu nommer Votre nom sans la vision de: Moscou — neige — Noël — lunettes — jeunesse — vision aussitôt traduite par un sourire qui mettait entre mon interlocuteur et moi plus de distance que de 1909 à 1930. Je Vous mettais du côté de ma jeunesse, l’interlocuteur restait dehors.
* * *
Cher Jean Chuzeville, quand M-me G-ky m’a transmis Votre souvenir, je eu le sentiment — ne craignons pas les grand mots, toujours petits devant nos sensations — d<e> résurrection: non de la Votre, de la mienne propre, de la moi d’alors.
Une chose sans témoins n’a jamais existé.
C’est moi — la chose sans témoins.
* * *
Cher Jean Chuzeville, la règle de ma vie a été (sans que je l’ai voulu) de me faire à moi-même plus de tort que de bien. Surtout avec mes lettres. J’ai toujours voulu être moi, moi toute — il n’en fallait souvent pas tant que ça.
Ainsi il se peut que me fasse tort en ce moment en Vous écrivant cette lettre, au lieu de l’autre — aimable et «simple» et nulle…
* * *
Cher Jean Chuzeville. Voici Noël. Venez me voir. C’est en banlieu — Meudon — écrivez-moi quand, pour que je Vous attende.
Voici l’itinéraire: Vous prenez le petit train aux Invalides — ou au Pont de l’Aima — ou au Champ de Mars — ou à Mirabeau — descendez à Meudon-Val-Fleury — traversez la passerelle — montez l’Avenue Louvois — et sans tourner ni à droite ni à gauche — Vous vous trouvez juste devant ma maison — 2, Av<enue> Jeanne d’Arc — 1 étage gauche — frappez.
Vers 4 heures de préférence.
Vous verrez mes enfants, Vous m’avez vue enfant.
MZ
Noël 1909 — Noël 1930
Moscou — Meudon
Милый Жан Шюзвиль,
Неужели Вы меня помните? Вы были таким юным, мы все были такими юными. Была Москва. Было Рождество. Был снег. Вы писали стихи. Я писала стихи. Мы читали их мадмуазель Елене Гедвилло.
Вы любили Франсиса Жамма, я любила Эдмона Ростана. Но это не мешало нам понимать друг друга. Мадмуазель Гедвилло любила стихи и юность.
Приехав в Париж в 1925 г., я не искала возобновления отношений ни с кем из моего детства. Всякое прошлое есть прошлое, а то прошлое (Война, Революция) было абсолютным, совершенным Прошлым — никогда не бывшим.
И однако же, когда я слышала Ваше имя, передо мной всегда вставало видение: Москва — снег — Рождество — очки — юность, видение, немедля переходившее в улыбку, которая отдаляла меня от собеседника на расстояние куда большее, чем 1909–1930. Я помещала Вас в страну моей юности, собеседник же оставался снаружи.
* * *
Милый Жан Шюзвиль, когда госпожа Г-кая передала мне привет от Вас, у меня было чувство — не будем бояться больших слов, всегда меньших, чем наши чувства, — воскресения: не Вашего — моего собственного, меня тогдашней.