Читать «Чёрная речка. До и после (К истории дуэли Пушкина)» онлайн - страница 97

Серена Витале

Maintenant que tout est passé, permets-moi de te dire que ton épître a été excessivement sévère, et que tu as pris la chose au plus tragique, et tu m'as puni sévèrement en voulant me faire croire, et en me disant que tu savais bien que tu n'étais rien pour moi, et que ma lettre était remplie de menaces. Si elle avait ce sens, je t'avoue que je suis bien coupable mais cependant mon cœur en est complètement innocent. Mais comment le tien ne t'a-t-il pas dit de suite que je [ne] te ferais jamais volontairement un chagrin, toi qui es si bon et si indulgent pour moi. Il a fallu que tu perdisses toute confiance dans ma raison, c'est vrai qu'elle a été bien basse, mais mon très cher, cependant pas assez pour pouvoir mettre ton amitié en balance et penser à moi avant de penser à toi. Cela serait plus que de l'égoïsme, cela serait de la plus noire ingratitude. Et la preuve de tout ce que je dis, c'est la confiance que je t'ai témoignée, je connais tes principes sur ce chapitre et m'ouvrant à toi je savais d'avance que ce ne serait pas des encouragements que tu m'enverrais. Je te demandais donc de me fortifier par tes conseils, sachant d'avance que cela serait le seul moyen de vaincre un sentiment auquel je m'étais laissé aller et qui ne pouvait pas me rendre heureux. Tu n'as pas été moins sévère en parlant d'elle, en disant qu'elle avait voulu faire le sacrifice de son honneur à un autre avant moi, car vois-tu ceci n'est pas possible. Qu'il y ait eu des hommes qui ont perdu la raison pour elle, je le crois, elle est assez belle pour cela, mais qu'elle les ait écoutés, non! Car elle n'a aimé personne plus qu'elle ne m'a aimé et dans les derniers temps les occasions n'ont pas manqué où elle aurait pu tout me donner, eh bien mon cher ami, jamais rien! au grand jamais!

Elle a été beaucoup plus forte que moi, elle m'a prié plus de 20 fois d'avoir pitié d'elle et de ses enfants, de son avenir, et elle était si belle dans ces moments (et quelle est la femme qui ne le soit pas) que si elle avait eu envie d'être refusée, elle ne s'y serait pas prise de cette manière, car comme je t'ai déjà dit, elle était si belle qu'on aurait pu la prendre pour un ange descendu du ciel. Il n'y aurait pas d'homme au monde qui ne lui aurait cédé dans ce moment tellement le respect qu'elle inspirait était grand; aussi est-elle restée pure; elle peut passer la tête haute devant tout le monde. Il n'y a pas une autre femme qui se serait conduite comme elle. Certainement, il y en a qui peuvent avoir plus souvent des mots de vertus et de devoirs en bouche, mais plus de vertus dans le cœur, pas une. Je [ne] t'en parle pas ainsi pour te faire valoir mon sacrifice, avec toi je serais toujours en retard quand nous viendrons sur ce chapitre, mais je te dis tout ceci pour te faire voir combien mal on peut juger quelquefois sur les apparences. Une chose aussi fort singulière: avant [d'] avoir reçu ta lettre personne au monde ne m'avait même prononcé son nom; ta lettre à peine arrivée, comme pour confirmer tout ce que tu me prédisais, le soir même je m'en vais au bal de la Cour et le Grand Duc héritier me plaisante sur elle, ce qui m'a tout de suite fait conclure que dans le monde aussi, on avait dû faire des remarques sur mon compte, mais sur le sien je suis sûr que personne ne l'a jamais soupçonnée, et je l'aime trop pour vouloir la compromettre, et comme je t'ai déjà dit une fois, tout est fini et j'espère que lorsque tu reviendras, tu me trouveras radicalement guéri.